L’orgue des Villards est désormais achevé

LM
Louis Mermillod

Débuté en 1966, l’orgue de l’église des Villards-sur-Thônes a été achevé le 16 juin 2013. 47 années de construction pour l’œuvre d’une vie : celle de Louis Mermillod, facteur d’orgue autodidacte. Ebéniste de formation, chef d’entreprise comptant jusqu’à 20 employés, il relève en 1966 une envie, un pari, un défi : construire un orgue pour son église. Mais un orgue classique, répondant aux critères des orgues du XVIIe siècle, de ceux sur lesquels jouait et composait Bach. Sans plan, sans connaissance technique autre que celle de l’ébénisterie, l’objectif est immense, irréalisable pour beaucoup.
« C’est vrai, que seul je n’y serais jamais arrivé, reconnaît Louis Mermillod. Mais cet orgue est aussi un formidable élan de rencontre et de solidarité. »

La première difficulté réside dans les plans. On lui en propose à 5 000 francs, une fortune pour l’époque, un montant bien trop élevé pour la paroisse des Villards. En 1967, l’un de ses clients, M. Dumont Mollard basé à Chambéry lui révèle sa passion pour l’orgue et prête un document exceptionnel, un livre « L’art du facteur d’orgue », récupéré dans les poubelles d’un notaire à Ugine, composé en 1720 par un moine, Dom Bedos, et sur lequel figurent tous les plans de l’instrument. Les distances sont inscrites en pieds (1 pied = 32 cm) et en lignes (1 ligne = 2,25 mm), mais l’ouvrage, riche de milliers de dessins, inventorie toutes les pièces nécessaires à l’instrument.

positif 3
L’orgue positif à lui seul a nécessité la fabrication et la pose de plus de 800 tuyaux

« Cela a été ma Bible, avoue Louis Mermillod. Il m’a permis de construire cet orgue de 29 jeux répartis sur trois claviers manuels et un pédalier qui en font un grand classique français du XVIIe siècle ». Les plans sont achevés en 1967. Restent le bois (80 % d’un orgue) et les tuyaux d’étain à trouver et à financer. Pour le bois, la solidarité villageoise fonctionne parfaitement : tous les hameaux contribuent à l’orgue de l’église. La console, les claviers manuels, les balanciers des tirasses et des accouplements, l’ensemble des équerres de transmission sont construits avec du noyer de Renvorzier. La Villaz, le Liez, les Champs Courbes et Fieugy fournissent les buffets du grand orgue du récit et de la pédale. Le buffet positif est fait en poirier et cerisier de Prats Cornet. Les boutons tirants ont été offerts par Paul Sylvestre Décaton, qui les a lui-même travaillés à la main avec le bois de la racine d’épine provenant du Bourgeal. Pour les tuyaux d’étain, Raymond Vulliet, organiste au Grand-Bornand, fait appel à M. Dunand, facteur d’orgue à Villeurbanne. La construction débute en 1968 avec l’aide fidèle d’Abel Sylvestre.

Louis Mermillod joue
Depuis 1972, Louis Mermillod accompagne à l’orgue toutes les cérémonies religieuses

En 1970, 3 jeux sont achevés et l’orgue peut accompagner pour la première fois l’office religieux. En 1972, un grand spécialiste grenoblois des orgues, Jean Giroud, en vacances dans les Aravis, émerveillé par tout ce dévouement, intervient par le canal de la Mairie pour obtenir une subvention de 150 000 francs. « Si bien, explique Louis Mermillod, qu’aucune quête n’a été réalisée à la messe, pour financer l’orgue ». En 1978, le 2e clavier fonctionne, le pédalier est mis en place. Le grand orgue, la pédale et le récit sont fabriqués, tout comme la soubasse de 16 pieds, en bois. L’harmonie est assurée par Franck Bistocchi, facteur d’orgues dans la Loire, qui a donné à chaque tuyau et à chaque jeu sa couleur propre. L’instrument de 23 jeux est officiellement inauguré par Joseph Ruscon comme instrument de concert. « Je me suis alors arrêté 10 ans, avant de reprendre le troisième et dernier clavier ».

coffret et pédalier
Coffret et pédalier

Depuis 2000, il ne lui manquait qu’un seul jeu, le plus grave, celui que l’on nomme « La bombarde », indispensable pour interpréter la musique française. Sa mise en place nécessitait des tuyaux de 6,50 m, alors que la hauteur de la tribune est limitée à 4 m. On lui propose d’installer des tuyaux horizontaux, mais Louis Mermillod refuse : « A-t-on vu pousser des arbres ainsi ? » sourit-il. Des années en suspens, avant qu’on lui donne une solution technique : trois jeux en cors courts avec un fermoir arrêtant le flux sonore. Mais là-encore, un dernier imprévu, à partir du 5e tuyau, l’accord n’allait plus. La solution a été mise en place le vendredi 16 juin 2013 par son ami Michel Giroud, facteur d’orgue (il a construit celui du Grand-Bornand), une languette en peau à la base des tuyaux défaillants : l’orgue des Villards-sur-Thônes, maintenant achevé peut désormais traverser les siècles en toute harmonie. « Si en quarante ans, j’ai vieilli, soupire Louis Mermillod, lui n’a pas bougé et ne bougera pas ».

grand orgue
Le grand orgue a été construit en 1972

Terminé ? Pas complètement ! L’instrument prévu pour 30 jeux, n’en compte que 29 d’installés. « Il est dans la tradition de la facture d’orgue, précise Louis Mermillod de laisser un jeu pour les générations futures ».
L’orgue des Villards est vraiment un grand orgue.

Louis Mermillod remercie tous ceux qui l’ont aidé et accompagné durant ces 47 années pour construire cet orgue de 29 jeux : une aventure humaine exceptionnelle.

Jean-Philippe Chesney

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