Le goulet du Fier

Ce lieu est bien tombé dans l’oubli. Qui l’a déjà repéré, 400 mètres en amont du pont de Chamossière, entre Thônes et Les Clefs ? Qui connaît l’appellation « rochers de la fontanette » qu’on trouve sur certaines cartes pour le désigner ? Voici 4 raisons pour le découvrir ou le redécouvrir…

Une curiosité naturelle

A cet endroit, le Fier est resserré entre deux chenaux bordés de rochers, formant un ensemble assez pittoresque. Le débit est toujours assez fort et ce type de lieu « naturel » a un grand succès au début du XXe siècle ; d’ailleurs, c’est le paysage et l’air pur qui sont alors les arguments de poids pour attirer les touristes. L’éditeur Molland, de Thônes, a réalisé au moins 6 cartes postales avec mention du « goulet ». Les fascicules ou « guides de séjour » du syndicat d’initiative qui commencent à voir le jour ne manquent jamais de signaler cette curiosité comme lieu de promenade. Situé à moins de 3 km du bourg, le site a d’ailleurs l’avantage d’être accessible à pied.

Un creusement …séculaire !

Aujourd’hui, la visite présente un autre intérêt. Le Fier apparaît bien plus creusé qu’auparavant avec un lit abaissé de près de deux mètres au niveau des rochers. Cela rend le site encore plus impressionnant, bien que davantage caché par les bois et la végétation. C’est un peu le résultat du petit barrage amont qui a retenu les pierres charriées par l’impétueux torrent. C’est aussi et surtout le résultat de l’extraction de pierres et graviers en aval. On a là un indice du formidable essor des constructions et des routes au cours du XXe siècle.

Des aménagements hydrauliques

C’est en 1894 qu’Eugène Crédoz fait aux autorités préfectorales une demande de barrage avec amenée d’eau. Il peut mettre en place une scierie, à une époque où cette activité était en plein essor. Dans la deuxième moitié du XXe siècle, la scierie est dirigée par Michel André, avant que l’activité de sciage ne soit abandonnée pour se concentrer sur le seul négoce. Bref, le site constitue une bonne illustration de l’essor et des mutations des industries du bois dans la Vallée !

Un lieu de passage …multiséculaire

Le troisième intérêt fait remonter dans le temps. Le lit du Fier étant stabilisé à cet endroit, et avec une largeur faible, le goulet a représenté un passage ancien. N’imaginons pas un vrai pont, les crues débordant assez vite ce goulet, mais une passerelle appelée dans les textes anciens «la planche ». D’ailleurs, c’était répandu et d’autres « planches » étaient dressées par exemple pour rejoindre Chamossière depuis Thônes ou Les Clefs. Les ponts de bois de la Vallée étaient d’ailleurs régulièrement détruits par les inondations jusqu’au début du XXe siècle (la crue de 1910 emporte le pont de Chamossière). Les « planches » étaient alors très utilisées en attendant la reconstruction des ponts. Dans son Histoire de Thônes, le chanoine Pochat-Baron note par exemple que, lors des inondations de 1570, les habitants regrettent que le seul passage pour rejoindre Tronchine emprunte cette « planche ».

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Le goulet du Fier aujourd’hui. L’évolution du site sur près d’un siècle, est particulièrement intéressante à observer

Aujourd’hui, alors que les randonnées et tous les déplacements « doux » se développent, alors que la ville de Thônes valorise son accueil à destination des familles, alors que les sites « nature et patrimoine » sont en plein essor, ne serait-il pas judicieux de faire sortir ce lieu de l’oubli ?

Stéphane Chalabi et Joël d’Odorico

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