À l’heure où les skieurs apprécient les pistes de Balme, dont la réputation n’est plus à faire dans le milieu des snowboardeurs et des skieurs de l’extrême, combien se souviennent qu’un projet de téléphérique avait été lancé à la veille de la Seconde Guerre mondiale, il y a plus de quatre-vingts ans.
En effet, à la veille de celle qui devait être le théâtre de bien des horreurs, un projet de créer des infrastructures dans la combe de Balme est lancé sous le nom de Super-La Clusaz. Revenons donc brièvement sur ce projet qui n’aboutira que bien plus tard et sous une forme différente.
En 1938 une « société civile d’Études du Téléférique [sic] et de la Station Super-La Clusaz » est constituée pour permettre l’aménagement de la combe de Balme, qui était déjà connue des adeptes de la peau de phoque, pour la plupart annéciens, et membres du Club Alpin Français, dont le chalet était à deux encablures de ladite combe.
En février 1939, le projet est exposé devant le conseil municipal. Cette société d’études demande à la commune de lui louer du terrain pour la construction « d’une gare de départ de Téléférique [sic] aérien avec ses dépendances : tribunes ; parc à voitures ; locaux pour administration ; poste de secours ; logement du personnel ; buffet-H[ô]tel, lieu dit Crêt Braffaz, parcelle 1460 […] ainsi que pour la Gare d’arrivée, lieu dit La Balmaz »¹. Le maire est alors autorisé à conclure un bail avec la société. Des conditions sont posées, comme la durée du bail qui devait prendre effet le 1er janvier 1939 et se terminer le 31 décembre 2037.
Ladite société devait payer une redevance à la commune et lui donner un pourcentage sur le chiffre d’affaires (1% jusqu’à 500 000 francs et 2% à partir de 500 001 francs). Le coût des infrastructures devait être entièrement supporté par la société, même la construction des routes. À l’issue du bail tous les meubles « non meublants » revenaient à la commune. Si le projet n’était pas réalisé dans les deux années, à compter du 1er janvier 1939, il devenait caduc et la commune reprenait ses terrains.
Nous pouvons souligner l’avance de certains aspects du projet avec la création d’un parc à voitures, alors que celles-ci n’étaient pas encore très nombreuses et la réalisation de logements pour les employés, ce qui aujourd’hui manque dans tant de stations !
Le 24 avril 1939, Jean-Baptiste Lansard, maire depuis près de trois décennies, informe son conseil municipal des résultats de « l’enquête sur le bail des terrains nécessaires à la construction et à l’exploitation du téléférique [sic] de La Balmaz ». Quatre-vingt-cinq habitants préconisent un bail de dix-huit ans². Le conseil décide par « 6 voix sur 11 » d’accorder un bail de 18 ans et renouvelable. Cette décision « sauvegardera les intérêts de la commune et ne nuira pas au développement de la station, attendu que le Conseil ne formule nulle opposition à la construction du Téléférique [sic] ». Le projet avait rencontré peu d’opposants, si ce n’est celui qui estimait que « le pâturage communal [allait] devenir périssable »³.
Le rapport du subdivisionnaire des Ponts-et-Chaussées de Thônes, établi le 31 mai 1939, arrive à la préfecture en octobre. Le 2 octobre 1939, l’ingénieur en chef déclare que la réduction du bail « bouleverse complètement l’économie de l’exploitation de la concession, telle qu’elle avait été définie par les conditions posées dans la délibération du 2 février 1939 », mais « l’ouverture des hostilités ne permettra certainement pas à la Société d’Etudes du téléférique de donner une suite immédiate à son projet ».
La guerre mettra un terme définitif à Super-La Clusaz et l’aménagement de la combe de Balme deviendra définitif dans les années soixante, sans téléphérique mais avec une télécabine et ses mythiques « œufs ».
Esther Deloche
Notes :
1 ADHS, 36 W 29. Toutes les citations proviennent de cette série.
2 L’inspecteur en chef rappelle que les signatures n’ont pas été données devant le commissaire enquêteur et la pétition n’a pas valeur de déclaration des 85 habitants.
3 La parcelle 1460 entièrement communale servait de pâturage pour les animaux des exploitants proches.