Un arbre à feuilles caduques, assez commun à mi-altitude, atteignant 30 à 35 m de hauteur, pouvant devenir bicentenaire, notre Fayard, dit Fau anciennement, en latin fagus soit le hêtre, fut sollicité de façon inattendue de nos jours. On le connait comme très bon bois de chauffage, pour la réalisation de meubles, résistant pour les longs manches d’outils (haches, pioches, pelles, évitant les ampoules aux mains non calleuses). Il donna aussi de nombreux toponymes. Dans les périodes de catastrophes climatiques ravageant les récoltes habituelles, on évoque toujours qu’on se rabattait sur « les herbes », mais pas seulement.
Son fruit, la faîne, sorte de très petite châtaigne triangulaire de 2 ou 3 cm, dans une coque très dure, était donnée généralement aux porcs, mais une fois écrasée elle pouvait aussi fournir une sorte d’huile rancissant peu, comestible ou à usage d’éclairage. Le tourteau restant était donné aux volailles (mais toxique pour les chevaux). On pouvait aussi obtenir un genre de beurre, surtout utilisé contre les parasites. Avant toute chose il était d’usage de laisser macérer ces fruits dans de l’eau, pour éliminer les tanins assez toxiques. Toujours avec ces faînes, et aussi avec l’écorce intérieure du tronc, on obtenait également par broyage une sorte de farine pour confectionner des pains de survie en cas de pénurie, à la guerre comme à la guerre ! On utilisait l’écorce externe réduite en poudre, qui soit disant guérissait de la goutte et des rhumatismes. La faîne grillée pouvait se consommer, comme de nos jours, en apéritif, et les jeunes feuilles en salade.
Les branches tressées servaient aussi à confectionner des parois de granges, comme on a pu en retrouver à Serraval et au Bouchet. Avec les feuilles sèches on pouvait « pailler » les litières des vaches, si la paille venait à manquer.
Bref notre fayard, se révélait un ami utile quand misère survenait, mais aussi quand tout allait bien.
La présence de ces grands animaux a longtemps posé des problèmes dans nos vallées.L’ours a survécu en Savoie assez tardivement, malgré de nombreuses battues. Il est vrai que l’hiver on l’oubliait un peu, à cause de son hibernation. Nos grandes forêts escarpées étaient des refuges bienvenus pour ces plantigrades. De nombreuses « tannes » leur procuraient des logements assez discrets. L’administration offrait une prime pour chaque bête abattue.
Illustration principale de l’article : Montreurs d’ours dans la cour du Collège de Thônes en 1897. Collection Amis du Val de Thônes.
Quelques dates nous sont parvenues :
En 1810, aux Clefs, vers le Verquois au pied de la Tournette, un ours d’une demie tonne est tué.
En février 1826, au Monturban, un mâle d’un an s’approchant du chef-lieu est abattu par un cabaretier de Thônes.
En octobre 1829, c’est à Cotagne que trois habitants de la vallée du Montremont règlent le compte d’un mâle de 15 ans.Quelques jours plus tard, au Lindion, 1 mâle et 2 femelles de 11 et 2 ans sont tués.
Une famille d’ours est encore abattue vers Ablon en Glière l’année 1844.
Dans les journaux on relate une battue à l’ours sur Manigod en 1861.
Vers 1870 un ours, signalé à l’alpage de La Rochette au-dessus d’Alex, tue 3 brebis.
Les signalements s’espacent : en 1867 un signalement à Manigod, en 1907 un à Dingy, et en 1911 aux Varots de Montremont.
Au XXesiècle on peut considérer qu’il n’en reste plus. Des toponymes évoquent de nos jours la présence passée de l’ours ou du loup, comme la Combe et la Pointe d’Orsière, ainsi que le Lovet au Bouchet, Praz Lors (pré à l’ours) et La Lovatière sur Manigod, La Bourne à l’Ours au-dessus Chamossière, ou encore Le Crêt du Loup à La Clusaz et Le Pas du Loup en Glière, ainsi que la Lanche à l’Ours au Grand-Bornand. En 1897, les collégiens et habitants de Thônes pouvaient observer 3 ours bruns, enchaînés, animaux de foire, présentés de village en village (voir illustration). Se termine ainsi l’histoire de « l’ours terrible » qui hantait les esprits de l’époque.
Le loup, animal plus discret, a néanmoins été l’objet de beaucoup de fantasmes. Il est accusé de nombreux méfaits plus ou moins réels. Se sentant dans un climat d’insécurité, les paysans l’ont impitoyablement chassé, en faisant des battues. En 1892 on peut considérer qu’il a été enfin exterminé dans notre région. On relate le cas du dernier loup tué en 1850 vers Lachat, contrefort du Sulens aux Clefs, par des gens de Belchamp : une bête de 6 ans, poursuivie durant deux jours.
Le loup a fait l’objet de nombreux contes et comptines bien terrifiantes, auprès des enfants ou des adultes, tels « Le petit chaperon rouge » ou « Le roman de Renard ». Tout le monde a plus ou moins entendu aussi parler de la bête du Gévaudan. En 1660 et 1661, 2 fillettes ont été dévorées non loin du Chinaillon. Ainsi certains faits nous ramènent à la réalité !
Aujourd’hui, les ours et les loups sont des espèces protégées, certaines ont été réintroduites, comme dans les Pyrénées. Le loup est revenu en France dans le parc du Mercantour dès 1992, puis dans nos contrées en passant par le Parc du Grand Paradis en Italie, avec basculement sur la France par les crêtes et remontée progressive vers le Nord des Alpes. La cohabitation avec les éleveurs devient de nouveau problématique car ces prédateurs s’attaquent aux troupeaux de brebis, de chèvres… En 2009, 4 400 personnes ont manifesté à Thônes contre le retour du loup. Des prélèvements très restrictifs, et encadrés, sont effectués, mais la chasse est passible de fortes amendes.
Ce très ancien piège à loup a été découvert le 27 septembre 2013 dans le massif du Grand Biollay, en dessus du Belvédère à Thônes. L’objet a été confié à l’espace muséal de Thônes (Photos de P. Mathevon).
Un autre animal fut considéré comme prédateur supérieur, on l’oublie parfois, c’est l’aigle. De forte envergure, jusqu’à 2 mètres, il peut pour se nourrir, tuer des volailles et même un agneau.
On signale en 1925 plusieurs captures d’aigles ou d’aiglons, revendus comme trophées en vue de les faire naturaliser, dont un aigle royal qui est capturé, car blessé, au Tober de Serraval. En 1932, une dame de Belchamp en attrape un de 1 m 20 coincé dans la barrière de son jardin !
Cet aigle des Carpathes, de passage dans la région, a été abattu près de Thônes en 1953 par Marius Bijasson. Il mesurait 2mètres 25 d’envergure. L’espace muséal de Thônes propose une salle avec de nombreux animaux naturalisés, dont un aigle local. De quoi ravir les jeunes et moins jeunes ! Espace muséal de Thônes, 1 rue Blanche
Un des derniers aigles tué au XXe siècle le fut à Plambois (Les Clefs) en 1959, il mesurait 2 m 10.
Depuis quelques années, il semble que quelques couples se soient réinstallés, on évoque les Varots de Montremont, l’Aiguille du Tober à Serraval et vers Tardevant à Manigod.
A la fin du Moyen Age, le Val de Thônes est une riche châtellenie du comté de Genève.
La fauconnerie est le divertissement par excellence de la noblesse au Moyen Age ; le comte de Genève n’y échappe pas. Au XIVe siècle, les comptes de châtellenie consignent avec précision les aires où sont prélevés les oiseaux de proie. Cinq zones de capture principales : le Mont Veyrier, les Voirons, le Mont Salève, la montagne du Charbon dans les Bauges, et… « la Val-des-Clets » ! La Croix Fry et le Mont Durand sont mentionnés.
(Information Matthieu de la Corbière, EXTRAIT de : Thônes et la vallée à la fin du Moyen Age. Exposition des AVT, 2016)
Autre anecdote insolite : le journal de la Vallée de Thônes indique aussi qu’un cafetier du Col du Marais à Serraval a capturé 2 loutres en 1927 !
Article collectif des Amis du Val de Thônes.
Sources :
-articles de presse extraits du Journal de la Vallée de Thônes,
-bulletin communal n° 7 des Clefs,
-notes de Philippe Gallay,
-extraits des ouvrages des Amis du Val de Thônes, en particulier le numéro 21.
Le Tavaillon – Grand Bornand 1959 – Crédit photo Photo Video Service
Chaque année depuis 1925, ma famille emmontagne à l’alpage du Tavaillon.
Le printemps 1953 – j’avais 10 ans – s’annonce précoce. Les belles journées de mars et avril ont eu raison du manteau neigeux. Tout laisse espérer une montée à la montagne début mai sauf intempéries de dernière minute ; car la météo en ces lieux est souvent capricieuse, voire un retour de la neige. Tout est possible. Continuer la lecture de « «Emmontagner», souvenirs d’enfance »
Si parler du temps, c’est perdre son temps, puisqu’on n’y peut rien changer, c’est tout de même un sujet de conversation où chacun trouve son mot à dire sans que les échanges tournent au vinaigre. En quelque sorte la météo met de l’huile dans les rouages des relations humaines !
Les quatre panneaux que nous vous présentons plus bas sont ceux de l’expo réalisée par les Amis du Val de Thônes (Jean-Philippe Chesney et Joël D’Odorico, pour les recherches et la mise en images) pour la fête de Lormay (Le Grand-Bornand) le 20 juillet 2014. Cette exposition, inaugurée sous une pluie battante lors de la fête, a été reprise pour illustrer notre chalet du marché de Noël 2014, alors que l’hiver s’annonçait sans neige … Désolation pour ceux qui en vivent aujourd’hui, alors que nos ancêtres s’en réjouissaient !
Mais Dame Nature fait ce qu’elle veut. Coquette, elle s’est fait attendre jusqu’à fin janvier et février pour nous faire admirer son nouveau manteau d’hermine, sur ciel de cristal bleu, illuminé d’un soleil d’or… Et tout le monde s’en réjouit !
Monique Fillion
Cliquez sur l’image pour voir les panneaux de l’exposition