Les Amis du Val de Thônes vous invitent à leur prochaine causerie, qui aura lieu le vendredi 2 juin 2023 à 20h00 dans la salle des 2 Lachatsituée au-dessus de leur local d’exposition, au 1 rue Blanche à Thônes.
Elle sera animée par par Arnaud DELERCE, Docteur en histoire de l’EHESS, Directeur du château des Rubins (Sallanches), et aura pour thème :
Tout un fromage Ce que dit l’histoire des fromages de Savoie
Tout le monde connaît les histoires de ces paysans des Aravis qui « reblochent » pour frauder le percepteur ou de ces cardinaux d’Avignon qui dégustent du fromage d’Abondance en 1381…
Au risque du sacrilège, Arnaud Delerce est remonté aux sources de ces récits peut-être un peu trop beaux pour être vrais… Il vous proposera de partir sur les traces du vrai fromage historique. Cette balade mènera de la Pologne à l’Égypte en passant par le nord-ouest de la Chine. La focale se resserrera ensuite sur les Alpes médiévales où des sources vérifiables révèlent les noms et la nature des fromages d’alors. Surprise (ou pas !) : il ne s’agit pas de ceux que l’on nous vend !
Entrée libre, invitez vos amis et connaissances, ils seront les bienvenus !
Un vocable si caractéristique des vallées de Thônes et des Aravis qu’il semble remonter à la nuit des temps…
Pas tout à fait vraisemblablement, mais du moins au Moyen-âge, lorsque les moines et autres seigneurs concédaient albergements [1] et autres admodiations [2] de leurs alpages aux éleveurs qui payaient annuellement une cense – un loyer appelé l’auciège – calculée au prorata du produit de la traite des vaches qu’ils menaient en alpage. Continuer la lecture de « Vous dites reblochon ? »
Un mystérieux correspondant a contacté les Amis du Val de Thônes en cette fin d’année, voici son message :
Je suis arrivé à Thônes dans le début du mois de Mai.
J’étais serré dans une boite en carton de couleur vive avec mes congénères.
L’un d’eux m’a expliqué pendant mon voyage que les aïeux de ma famille « les Astéracées » connaissaient bien ce pays car ils y avaient été introduits par des huguenots fuyant la révocation de l’édit de Nantes.
Des cardons au pied du Parmelan (Photographie Monique Fillion)
Ensuite on m’a recouvert de terre. Je ne voyais plus rien et seul un peu d’eau me rafraîchissait.
J’étais très anxieux lorsqu’un matin j’ai vu la lumière.
J’ai regardé autour de moi et oui, j’étais dans un potager !
Mes feuilles, profitant d’un beau printemps ont poussé assez vite ce qui m’a permis de voir et surtout d’entendre mes cousins germains les artichauts qui discutaient du fond de leur cœur !
L’été a passé rapidement et j’étais heureux car je n’étais plus un légume oublié dans ce beau pays.
L’automne par ses jours plus courts a annoncé son arrivée et un beau matin on m’a enveloppé dans un sac ! J’avais tellement peur que quelques jours après mes feuilles sont devenues toutes blanches.
Ensuite on m’a déraciné et actuellement je suis dans une cuisine. Il y a une grande marmite d’eau qui chauffe et j’ai bien peur que cela soit pour moi.
Mon jardinier m’a dit qu’il avait récupéré des graines. Ainsi l’an prochain mon clone prendra ma place.
Je pense que ma dernière minute arrive aussi pensez à moi lorsque vous allez inviter le gratin à votre table !
Je suis tellement étourdi que j’ai oublié de vous dire mon nom !
Mais c’est sûr vous avez forcément trouvé ?
Jo lecardon
Un plat de cardons, recette traditionnelle des fêtes de fin d’année en Val de Thônes (Photographie Danielle Perrillat-Mercerot)
Très bonne année 2016 aux Amis du Val de Thônes et à leurs lecteurs,
Pour les Amis du Val de Thônes, l’équipe de rédaction
Pour Jo lecardon, Patrick Rocher
« Comment voulez-vous gouverner un pays où il existe 246 variétés de fromages ? »
Cette phrase attribuée au général de Gaulle, met l’accent sur la complexité territoriale française et le sentiment régional qui en découle. Le fromage, loin d’être un simple produit, dissimule dans ses techniques de fabrication différents rapports que nos ancêtres entretenaient avec le sol, le relief, la propriété et le marché. D’ailleurs, une majorité des fromages, mais pas le reblochon, tirent leur nom de leur zone de production.
Le fromage : connu depuis le néolithique
Rappelons une évidence : le fromage permet de stocker et de conserver un produit, le lait, qui sous sa forme liquide est rapidement périssable. On fait remonter la fabrication fromagère à la fin du Ve millénaire av. JC, elle est évidemment postérieure à la domestication des animaux et à l’agriculture. La légende raconte que le mécanisme de fabrication du fromage a été découvert par hasard, lors du stockage et du transport du lait. Celui-ci s’effectuait par le biais de conteneurs fabriqués à l’aide de peaux de bêtes et d’organes internes. La présence naturelle des présures dans l’estomac a permis la transformation du lait en lait caillé et petit-lait. Dés lors, le fromage s’est répandu sur l’ensemble du continent eurasiatique, principalement dans les zones montagneuses (Himalaya, Caucase, Alpes) et agro-pastorales, permettant d’exploiter au mieux une ressource saisonnière : l’herbe.
Beaufort et reblochon : des différences nées dans l’histoire et la géographie
Au salon agricole de Paris, Savoie-Mont-Blanc communique en liant le territoire et ses fromages
Les deux départements savoyards comptent cinq fromages AOP (Appellation d’Origine Protégée qui remplace l’Appellation d’Origine Contrôlée). Ce sont : le reblochon, le beaufort, l’abondance, le chevrotin et la tome des Bauges. Le reblochon et le beaufort sont les deux plus importants. Leurs zones de production sont voisines, elles se chevauchent même sur le Val d’Arly et aux Contamines-Montjoie (pour le versant du col du Joly). Pourtant ces deux fromages sont nés de deux histoires et de deux terroirs bien différents.
Le plus délicat à fabriquer n’est peut-être pas celui que l’on croit
Tous les agriculteurs des vallées des Aravis vous le diront, le reblochon est un fromage délicat, parfois même capricieux à fabriquer. Il est très dépendant de la qualité du lait (un « mauvais » lait d’une seule vache peut faire rater l’ensemble de la fabrication) et de la température extérieure (ni trop chaud, ni trop froid). Autrefois, les reblochons étaient durs par temps de sécheresse (ils séchaient trop vite) et amers en période de grand froid (ils n’arrivaient pas à sécher).
Le moment le plus délicat de la fabrication du reblochon : le décaillage. Le lait a coagulé et forme un caillé qui est découpé en petits grains
La principale raison de ces difficultés est la faible température à laquelle le lait est transformé (33 degrés). Ainsi, dans la plupart des fermes, le lait n’est absolument pas réchauffé, puisque, sortant du pis de la vache à une température de 38 degrés, il est directement travaillé. Cette qualité sanitaire irréprochable s’applique également pour le reblochon fruitier (celui fabriqué en laiterie) dont la zone s’étend sur une grande partie de la Haute-Savoie. C’est la raison principale pour laquelle ce département est, depuis plus de vingt ans, classé comme le premier département français sur la qualité du lait.
Le beaufort, celui que l’on surnomme « le prince des gruyères », est considéré comme un fromage à pâte pressée cuite, car après caillage le lait est chauffé à une température de 54 degrés. Cette hausse de la température, même si l’on est loin de la pasteurisation (hausse de la température à 72 degrés et refroidissement rapide), supprime déjà un grand nombre de germes indésirables.
Le beaufort : un fromage collectif / Le reblochon : un fromage individuel
Outre leur pâte, la principale différence entre les deux fromages est leur poids. Le reblochon ne doit pas dépasser 550 grammes (450 g minimum) tandis qu’une meule de Beaufort affiche entre 40 et 60 kg. Un poids qui nécessite 4 à 5 litres de lait pour le reblochon et entre 400 et 600 pour le Beaufort. Il y a cent ans, une « bonne vache » pouvait produire quatre à cinq litres de lait à chaque traite. Mais les hectolitres de lait nécessaires pour une meule nécessitaient un troupeau avoisinant les cent têtes. C’est la raison principale pour laquelle le Beaufort est indéniablement lié à la pratique de l’alpage, une pratique très différente de celle que l’on peut rencontrer dans les Aravis.
Au Grand-Bornand, l’altitude de la plupart des alpages est comprise entre 1300 et 1700 mètres, celui du col des Annes étant le plus élevé, à 1721 mètres. Dans le Beaufortain, cet étage alpin correspond à la montagnette et dans le Haut-Faucigny aux « remues » : c’est-à-dire des alpages intermédiaires avant de rejoindre les alpages collectifs au-delà de 1800 mètres. Ces alpages collectifs, qui n’existent pas dans les Aravis, permettent d’exploiter les vastes prairies de la pelouse alpine. Les troupeaux sont rassemblés en importantes unités pastorales. La fabrication du lait et l’entretien des troupeaux sont laissés à des vachers et à des fromagers, payés par la collectivité. Dans le Beaufortain, le lait d’une seule traite servait à fabriquer une seule meule. Les meules étaient ensuite affinées et conservées à l’alpage, puis descendues dans la vallée une fois la saison terminée. Les communiers se les partageaient alors (le fruit des alpages). Le reblochon nécessite quant à lui un écoulement plus rapide, car il peut difficilement se conserver plus de deux mois. D’où la nécessité d’une mise en vente plus régulière. Le marché du Grand-Bornand existe officiellement depuis 1795 et permet chaque mercredi l’écoulement des reblochons produits. Aujourd’hui encore, les producteurs apportent leurs jeunes fromages, âgés de sept jours, aux affineurs. Ceux-ci les conserveront au minimum 21 jours.
Pour le beaufort, la production à la ferme est devenue rare (2 à 3 producteurs contre 140 pour le reblochon). Cependant grâce aux coopératives, les plus importantes étant celles de Bourg-Saint-Maurice et de Beaufort, les agriculteurs conservent une maîtrise collective de leur produit. Les coopératives assurent le ramassage du lait, le processus de fabrication, l’affinage (supérieur à 6 mois pour le beaufort d’été) et la commercialisation.
Pour le reblochon fermier, du fait peut-être de son essence individuelle, la partie coopérative et collective est moins présente. Les marchands puis les affineurs traitent directement avec les agriculteurs. Exception à cette règle, la coopérative de Thônes créée tardivement, en 1971. Elle réunissait alors 19 producteurs et 2 salariés. Aujourd’hui elle assure un tiers de l’affinage du reblochon fermier et emploie près de 50 personnes.
Conclusion
Petit, nécessitant beaucoup de manutention (il faut le retourner et le nettoyer deux fois par jour), délicat, ne pouvant pas se conserver au-delà de deux mois, le reblochon présente à première vue beaucoup d’inconvénients. Il correspond cependant à une exploitation familiale, proche de sa zone de commercialisation et illustre parfaitement le fait qu’un fromage, c’est la rencontre d’un produit et d’un terroir.
Le 13 avril dernier (2014), nous avons fêté Les Rameaux, le dimanche avant Pâques.
Pour le petit-déjeuner ou après la messe, un rameau de buis bénit à la main, certains se sont acheminés vers l’unique boulangerie de Thônes, rue des Clefs, où l’on trouve encore des carclins. On les trouve ce weekend-là seulement, seule trace subsistante de leur signification religieuse.
Les carclins des Rameaux
Les carclins sont affaire de spécialistes, ils ne sont pas une pâtisserie domestique, ce qui souligne leur caractère de nourriture jadis votive, comme le sont les couronnes ou galettes des Rois, les crosets de la Saint-Blaise, etc. De nos jours, il s’agit d’un anneau de pâte briochée, peu sucrée, safranée. Autrefois, certains ajoutaient de l’anis dans la pâte qu’on bérolle en forme d’un long cigare dont les extrémités sont nouées avant la cuisson.
Cette tradition est apparentée au craquelin ou cartelin breton que l’on retrouve jusqu’en Poitou-Charente sous le nom de carcalin :
Dans le glossaire du patois de La Rochelle (Henri Burgaud des Marets, 1861) : Carquelin, pâtisserie en forme de bracelet.
Le caractère savoyard du carclin trouve des références dans :
le dictionnaire savoyard (Constantin / Désormaux, 1902)
à « Carclin » : sorte de pâtisserie. “Fais saucette avec ce carclin dans ton chocolat.”
à « Ranpâr » (Rempart) : Le dimanche des Rameaux, ramô, désigné aussi à Thônes et Annecy, sous le nom de dimanche des ranpâr ou ranpô, nom patois du buis.
le Guide de la Haute-Savoie (Marc Le Roux, 1902, p. 139) J. Serand rapporte ainsi que « Le dimanche des Rameaux, les enfants portent à l’église une branche de rameau plantée dans une pomme ou entouré d’un gâteau appelé carquelin (carclin), et le soir les jeunes gens du village, accompagnés d’un joueur de violon, vont de maison en maison en chantant des complaintes jusqu’à ce qu’ils obtiennent des œufs, qu’ils mangent ensemble en un diner, le lundi de Pâques. »
Si vous ne les avez goûtés cette année, il vous faudra attendre 2015 !
Traditionnellement, cette recette n’était réalisée dans le Val de Thônes qu’à l’occasion de la fête de Noël. Chaque maîtresse de maison avait son petit secret de fabrication.
Ces rissoles étaient préparées quelques jours avant Noël, puis gardées au frais sur des planches, et cuites à mesure que les invités arrivaient, pour les leur offrir encore tièdes.
Retrouvez cette recette, ainsi que d’autres, dans le livre de recettes édité par les Amis du val de Thônes.
La recette de Mamie Simone
Ingrédients
Les rissoles prêtes à déguster
250 g de farine
70 g de beurre
1 œuf
1 sachet de sucre vanillé
1/2 sachet de levure chimique
1/2 verre de lait
1 pincée de sel
50 g de saindoux (voire moins)
de la marmelade de poires
La marmelade est préparée avec des poires dites « à rissoles » (variété de poires anciennes) ou avec un mélange de poires et de pommes, avec quelques raisins de Corinthe et une pincée de cannelle (au goût de chacun !). Cuire cette marmelade jusqu’à ce qu’elle soit assez sèche.
Préparation
Dans une terrine, mélanger la farine, la levure, le sucre vanillé et le sel. Y ajouter l’œuf entier et mélanger le tout à l’aide d’une spatule ou d’une fourchette.
Ajouter le beurre en dés (préalablement porté à température ambiante), et briser la pâte du bout des doigts.
Verser le lait, rassembler la pâte afin de former une boule, la pétrir à la paume de la main, puis reformer la boule.
Étaler la pâte le plus possible, la tartiner de saindoux (le saindoux doit être très mou, pour un geste très léger).
Replier la pâte en la roulant comme un cigare afin de former un pâton serré. Laisser reposer une à deux heures, voire plus.
Pour un travail plus facile, couper en deux ce morceau de pâte. Aplatir grossièrement le demi « cigare » à l’aide de la paume de la main, le replier en quatre puis l’étaler de nouveau au rouleau, afin d’obtenir une pâte très très fine.
A quelques centimètres du bord de la pâte, déposer régulièrement de petits tas de marmelade espacés eux aussi de quelques centimètres. Les recouvrir en repliant le bord de la pâte, former les petits coussins et les découper à l’aide d’une roulette ou d’un couteau. Finir de souder les bords en appuyant avec les doigts.
En attendant la cuisson, poser les rissoles sur une planche recouverte de papier sulfurisé parsemé de farine. Garder le tout dans un endroit frais.
Cuisson
Préparer un bain d’huile dans une grande poêle. Cuire les rissoles sur les deux faces. Il est préférable de ne pas les cuire à l’avance, car elles sont meilleures encore tièdes.
Égoutter et saupoudrer de sucre glace.
Bon appétit !
La recette en images
Mélanger la farine, la levure, le sucre vanillé, le sel et l’œuf. Ajouter les dés de beurre ramolli
Verser le lait
Pétrir la pâte à la main et former une boule
Étaler la pâte le plus finement possible
La tartiner avec une fine couche de saindoux
Rouler la pâte sur elle-même
Former un pâton serré
Laisser reposer une à deux heures, voire plus
Aplatir le pâton à la main puis étaler très finement la pâte au rouleau
Déposer la marmelade en petits tas
Replier la pâte pour former des coussins
Souder les coussins en appuyant avec le doigt
Les découper à la roulette ou au couteau
Plonger les rissoles dans un bain d'huile chaude
Les retourner à mi-cuisson
Saupoudrer de sucre glace et déguster !
Crédits texte et photographies : Danielle Perrillat-Mercerot