C’est un espace situé à la limite de l’enceinte du XVIe siècle, prolongé d’un terrain non loin du Nom, donc menacé. Elle doit son appellation à sa forme de terre-plein quadrangulaire1, entre le chemin du pont et la porte du couchant [voyez le plan de 1779]. Au XVIIIe siècle, elle est fermée de trois côtés par des maisons ; au milieu, une fontaine toute simple et, vers la porte dite « de Cier » ou du Carroz, elle ouvre encore sur des masures, des courtils et un chemin qui mène à Tronchine par un pont de bois.
Les transformations commencent avec le projet de reconstruction (dès 1853) du pont à l’entrée de la ville, étroit, dégradé, précédé d’une rampe à 10%. La porte de Cier étant démolie (1838), on envisage en 1856-1857 d’agrandir la place bornée par ses constructions et jardins pour transférer vers le pont de Tronchine le marché aux bestiaux qui s’y tenait ; mais de délicates procédures d’expropriation, de même que le coûteux chantier du nouveau pont dit « à l’américaine » (1857-1859) entravent cette réalisation. Après les démolitions, on procède, en 1860, au nivellement du côté de Tronchine.
Toutefois, du fait de la modernisation de la bourgade sous l’impulsion de ses bienfaiteurs : Joseph Avet, dès 1860, puis les trois frères Agnellet qui se succèdent à la mairie, après l’Annexion, vu l’intérêt croissant des « étrangers » pour la montagne, l’idée du pré de foire s’efface devant la nécessité d’un espace public d’agrément et de promenade. Un décret présidentiel autorisant l’érection du monument en mémoire de Joseph Avet (26 août 1878), l’ancien « Carroz » devient la place Avet, consacrée lors de l’inauguration de la statue en septembre 1879. Des alignements d’arbres y sont plantés et plus tard on installe un élégant kiosque à musique2 pour divertir citadins comme « étrangers » lors des belles soirées estivales, en procurant tout loisir à l’active harmonie municipale d’y faire la preuve de ses talents. De même qu’à chaque Saint Joseph, elle vient donner l’aubade à la statue du bienfaiteur juchée sur son piédestal.
Un siècle après son aménagement, la place Avet connaît un nouveau bouleversement, fin 1967 : le kiosque, vétuste, est démoli et la statue qui trônait au centre, en première ligne, a été mise de côté, son piédestal sévèrement raccourci – sic transit gloria mundi ! La réorientation volontairement touristique de la Vallée3 rendait en effet urgente la construction d’une maison du tourisme moderne et dynamique, pour promouvoir les atouts de la montagne en accueillant chaleureusement ses nombreux visiteurs, été comme hiver (1968).
Dernière étape, contemporaine : le regroupement (à partir de 2014), dans l’ancienne école des sœurs de la rue Blanche restructurée, d’un pôle culturel élargi = Bibliothèque, Musée, A.V.T., Office du Tourisme, conclu par la démolition de la maison du tourisme à l’entrée de la ville (2019). – En attendant le réaménagement de cet espace stratégique en perpétuelle évolution…
Jean-François Campario.
1 Cf. Constantin & Désormaux, Dictionnaire Savoyard, 1902 : « Quant à la place publique appelée le Câro, son nom lui vient de sa configuration qui était carrée. »
2 C’est en 1925 que Michel Rolland, président de la fanfare, le fait édifier par Eugène Fournier.
3 Le Bulletin Thônes et ses vallées, n° 2, 1967 le confirme : « Maison du Tourisme = à sa construction sera lié un aménagement de la Place Avet, qui doit être de plus en plus un centre d’attraction, de promenades, de repos et de sports. »