Depuis très longtemps, les habitants des villages du Val de Thônes sont affublés de surnoms par leurs voisins. Ces sobriquets étaient attribués à l’ensemble de la population d’une commune à cause d’un trait de caractère, d’une façon de réagir face aux événements, ou encore de l’activité principale exercée. L’objectif était souvent de ridiculiser certaines personnes du village, car les sobriquets étaient peu flatteurs, ironiques ou malicieux, mais rarement injurieux.
Ils sont encore quelquefois utilisés pour se moquer, ou tout simplement pour évoquer, des populations de tel ou tel village, à l’occasion de certaines manifestations.
Retrouvez ici la liste des différents sobriquets par lesquels les habitants des villages du Val de Thônes étaient -et sont quelquefois encore- désignés, ainsi que leur origine :
- Les berceux de Dingy Saint Clair
- Les facheux de bris d’Alex (les fabricants de berceaux)
- Les tambornis de La Balme de Thuy (tambours : allusion plaisante aux seaux et cuviers qu’on fabriquait dans la commune)
- Les avares des Villards-sur-Thônes (encore de nos jours ce surnom se retrouve dans de nombreuses histoires racontées sur la pingrerie supposée des Villardins) ou les kergnes des Villards (espèce de poires dures, très répandues dans ce village, difficiles à manger !)
- Les avocats, les philosophes de Saint-Jean-de-Sixt, on ajoutait aussi les surnoms de farauds et de muscadins (est-ce leur grande sagesse, ou leur attitude laïque qui a valu aux Saints-Jeandins leur surnom de « philosophes » ?)
- Les doyeux d’Entremont (les joueurs)
- Les braffieux ou brafaudis du Grand-Bornand (les brasseurs d’affaires car ils étaient réputés pour être des personnes très entreprenantes)
- Les plaidieux (les plaideurs) du Petit-Bornand
- Les politicos, les chaves de La Clusaz
Au sujet des chaves il existe deux interprétations, probablement autant vraie l’une que l’autre :
– pour certains les chaves sont des sortes de choucas qui vivent dans les rochers; les gens du bas de la vallée se moquaient ainsi des habitants de La Clusaz qui semblaient être accrochés aux pentes de leur village !
– pour d’autres un chave est un morceau d’écorce de l’arbre. Lorsque les thônains voyaient des écorces dans le Nom (affluent du Fier qui prend sa source au Col des Aravis), c’est qu’elles arrivaient de La Clusaz… Ainsi lorsqu’ils voyaient un habitant de La Clusaz arriver à Thônes le long du Fier ils s’exclamaient : « tiens, un chave ! » - Les désolas des Clefs
Avec la particularité d’avoir un sobriquet dans chaque hameau :
– Lou lech’pliats des Cliés, les gastronomes du chef-lieu
– Lou linzerde des Poyets, il fait bon profiter du soleil sur ce versant très ensoleillé
– Lou danfaré des Poyets, car l’on aimait aussi y danser dès qu’une occasion se présentait
– Lou malheureux d’La Frasse
– Lou çhantapolé d’Laçha, où devaient résider les ténors de la chorale
– Lou zélâ des Envers
– Lou r’nâ du Vié
– Lou rafâ’blesson d’Tosbrand (de Montisbrand)
– La varm’nâ de Belchamp
– Lou m’gi d’tartiffles du Crêu et des Grang’té (Les Grangettes) - Les rancuneux (rancuniers) de Serraval
- Les Anglais ou les savatis de Thônes
Cette dénomination d’Anglais pour les gens de Thônes est probablement due aux échos anglophones renvoyés d’Amérique par les émigrés des XVIIIe et XIXe siècles. (Par des dons à la ville de Thônes Joseph Avet, émigré en Louisiane, « subventionne » des cours d’anglais !). Une autre explication fait référence aux riches propriétaires et bourgeois habitant cette « ville » qui par leurs allure et habillement voulaient ressembler aux riches Anglais qui visitaient les Alpes !
L’appellation de savatis viendrait du grand nombre de cordonniers qu’on trouvait à Thônes au Moyen Age, où l’on travaillait le cuir provenant des tanneries locales. - Les poures peraizaeux de Manigod (les pauvres paresseux) ou les plaidieux de Manigod (les plaideurs) de leur obstination à faire valoir leur bon droit
Il arrivait aussi que les habitants de certains hameaux soient affublés de surnoms spécifiques, souvent peu élogieux pour les personnes ! Les autres surnoms étaient propres aux individus et se retrouvent encore dans nombre de noms de famille double voir triples, encore très fréquents en Savoie.
Désormais, si vous entendez parler de brafaudis ou de philosophes, vous saurez des habitants de quel village il s’agit !
Monique Fillion
Sources
- Histoire de Thônes, 1925, les Paroisses de la Vallée de Thônes, 1942, François Pochat-Baron
- La vallée de Thônes de A à Z, n°18
- Almanach des Amis du Val de Thônes, n°23
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