Ces dernières semaines, les Amis du Val de Thônes ont eu une grande joie suivie d’une grande tristesse. Le 23 mai, quelques-uns d’entre nous sont allés à l’EHPAD Joseph Avet fêter le 100e anniversaire de Marie Péchoux, née Bibollet, membre fondateur de notre association dont elle était devenue l’image emblématique.
Les AVT fêtent les 100 ans de Marie Péchoux, le 23 mai 2014
Marie a été la première centenaire des Amis du Val de Thônes. Avec des rissoles à l’ancienne, pour lui rappeler celles de son enfance, nous lui avons souhaité un bon anniversaire. Elle nous a remerciés de son beau sourire sous ses yeux bleus pétillants. C’est le souvenir que nous garderons d’elle, toujours disponible, les mardis ou jeudis après-midi pour montrer les gestes ancestraux liés au travail de la laine. Elle connaissait son rôle par cœur, expliquant derrière son rouet comment prendre les flocons cardés, comment appuyer régulièrement sur la pédale et à quoi servait la plume accrochée près de la bobine. Avec sa coiffe et sa croix de Savoie, elle faisait le bonheur des touristes de passage, prenant la pose dès qu’on l’en priait. D’année en année ceux qui revenaient nous demandaient de ses nouvelles, si par hasard elle n’était pas présente à la galerie.
L’après-midi du vendredi 13 juin, nous l’avons accompagnée pour son dernier voyage. Elle a rejoint son mari André et sa petite sœur Fernande avec qui elle formait une équipe de fileuses, uniques et si précieuses aux Amis du Val de Thônes.
A ses neveux et nièces, nous disons toute notre sympathie et notre gratitude pour les longues années où Marie a été non seulement une mémoire mais une âme des Amis du Val de Thônes.
Les lacs qui nous entourent n’ont pas toujours existé : certains ont été façonnés par le mouvement et la fonte des glaces, les autres ont une origine humaine.
Les lacs d’origine glaciaire
Les lacs les plus anciens du Val de Thônes n’existent plus. D’origine glaciaire, ils ont fini par disparaître, l’érosion aidant à faire sauter les bouchons des cluses. Le dernier lac glaciaire de Thônes a existé sans doute pendant quelques milliers d’années, jusqu’à la fin de la dernière glaciation. Allant de Dingy à Thônes, le déversoir était l’actuel col de Bluffy. Ce lac résultait à la fois du repli des glaciers vers le haut de la vallée, et du maintien de la glace au défilé de Dingy qui empêchait l’écoulement de l’eau du Fier !
Le lac des Confins
Il s’agit d’un lac proglaciaire, c’est à dire qu’il s’est formé à l’avant d’un glacier, en l’occurrence le glacier de la combe de Bella Cha.
D’une profondeur maximale d’environ 6 m, il renferme environ 130.000 m3 d’eau. Depuis 1987 des skieurs et plus généralement des glisseurs essaient de le traverser à ski en prenant leur élan sur une piste de ski. Cet événement, le Défi Foly organisé par le Club des Sports de La Clusaz, a lieu à chaque printemps pour fêter la fin de la saison de ski.
Le lac de Tardevan
Le lac de Tardevan
On le découvre au terme d’une balade agréable au départ du lac des Confins. Avec ses 2110 m d’altitude c’est le plus élevé des Aravis.
Le lac du Mont Charvin
Source du Fier, ce lac est perché à environ 2010 m d’altitude. Sa profondeur maximale est d’environ 3 m.
Le lac de Peyre
Objectif d’une randonnée très courue au départ du Col de La Colombière, le lac est situé sur la commune du Reposoir, sur le chemin du col de Balafrasse, réputé pour la présence de nombreux bouquetins.
Le lac de Lessy en 2009
Le Lac de Lessy
D’une profondeur de 5 m au mieux, valeur sujette à évolution, le Lac a subi des travaux importants en 2007 pour améliorer son étanchéité, faute de quoi il aurait probablement disparu ou été réduit au rang de « gouille » d’eau.
Les lacs artificiels et les retenues collinaires
Le lac de Thuy
Lac en eaux closes, il s’agit d’un lac artificiel créé avec la zone artisanale de Thônes au début des années 1970, il prend vraisemblablement la place d’un plus grand lac glaciaire qui a pu exister voici plusieurs millénaires à l’entrée de la vallée.
Au début du projet, le plan d’occupation des sols (POS) de la ville de Thônes prévoyait de réaliser la zone artisanale à l’emplacement du lac. M. Besson, adjoint au maire chargé de la commission urbanisme et travaux, a proposé de placer la zone là où elle est aujourd’hui, afin de conserver la forêt et le petit étang déjà présent pour créer une zone de loisirs. Le lac a ainsi été creusé par l’entreprise Pegaz et Pugeat pour obtenir le gravier nécessaire au remblai de la zone. A l’origine une petite île était présente au centre du lac, aujourd’hui il est empoissonné régulièrement.
Le lac artificiel de la Ferriaz enneigé (Photo Jean-Philippe Chesney)
Les retenues collinaires de La Clusaz
Le Crêt du Merle, 15.000 m3, créé en 1994, 26.000 m3 en 2005
Beauregard (2003) lac artificiel de la Ferriaz, 41.000 m3
Balme, Lac du Plan du Lachat, 64.000 m3 à l’origine (agrandi en 2013)
Le lac artificiel des Laquais (été 2007) 58.000 m3
Les retenues collinaires du Grand Bornand
Le lac de la Cour au Chinaillon, creusé en 1994 (57.00 m3), a été vidangé en 2011. Profondeur de 8 m. Lâchés de truites arc-en-ciel
Le nouveau lac du Maroly, 300.000 m3, profondeur de 18 m, compte parmi les plus grands lacs artificiels des Alpes.
La retenue collinaire de Merdassier à Manigod
Elle a été créée au début des années 2000 (entre 2005 et 2009) pour assurer l’enneigement artificiel des pistes.
Pour la pêche dans les lacs et rivières, nous vous invitons à vous rapprocher de la société de pêche de Thônes http://thones-peche.fr ou de la fédération des associations de pêches.
Il existe également des lacs souterrains, pour en savoir davantage nous vous invitons à vous rapprocher d’une association de spéléologie locale, du bureau des guides ou d’une entreprise spécialisée.
Pour des informations sur la baignade nous vous invitons à vous rapprocher des Offices de Tourisme concernés et à respecter la signalisation en vigueur autour des lacs. Celle-ci est généralement interdite dans les retenues d’eau qui sont utilisées pour l’enneigement artificiel ou l’alimentation en eau des communes.
Erwan Pergod
Sources
Monographie physique des plans d’eau naturels du département de la Haute-Savoie, J. Sesiano- France, Université de Genève – Département de minéralogie, 1993
« Comment voulez-vous gouverner un pays où il existe 246 variétés de fromages ? »
Cette phrase attribuée au général de Gaulle, met l’accent sur la complexité territoriale française et le sentiment régional qui en découle. Le fromage, loin d’être un simple produit, dissimule dans ses techniques de fabrication différents rapports que nos ancêtres entretenaient avec le sol, le relief, la propriété et le marché. D’ailleurs, une majorité des fromages, mais pas le reblochon, tirent leur nom de leur zone de production.
Le fromage : connu depuis le néolithique
Rappelons une évidence : le fromage permet de stocker et de conserver un produit, le lait, qui sous sa forme liquide est rapidement périssable. On fait remonter la fabrication fromagère à la fin du Ve millénaire av. JC, elle est évidemment postérieure à la domestication des animaux et à l’agriculture. La légende raconte que le mécanisme de fabrication du fromage a été découvert par hasard, lors du stockage et du transport du lait. Celui-ci s’effectuait par le biais de conteneurs fabriqués à l’aide de peaux de bêtes et d’organes internes. La présence naturelle des présures dans l’estomac a permis la transformation du lait en lait caillé et petit-lait. Dés lors, le fromage s’est répandu sur l’ensemble du continent eurasiatique, principalement dans les zones montagneuses (Himalaya, Caucase, Alpes) et agro-pastorales, permettant d’exploiter au mieux une ressource saisonnière : l’herbe.
Beaufort et reblochon : des différences nées dans l’histoire et la géographie
Au salon agricole de Paris, Savoie-Mont-Blanc communique en liant le territoire et ses fromages
Les deux départements savoyards comptent cinq fromages AOP (Appellation d’Origine Protégée qui remplace l’Appellation d’Origine Contrôlée). Ce sont : le reblochon, le beaufort, l’abondance, le chevrotin et la tome des Bauges. Le reblochon et le beaufort sont les deux plus importants. Leurs zones de production sont voisines, elles se chevauchent même sur le Val d’Arly et aux Contamines-Montjoie (pour le versant du col du Joly). Pourtant ces deux fromages sont nés de deux histoires et de deux terroirs bien différents.
Le plus délicat à fabriquer n’est peut-être pas celui que l’on croit
Tous les agriculteurs des vallées des Aravis vous le diront, le reblochon est un fromage délicat, parfois même capricieux à fabriquer. Il est très dépendant de la qualité du lait (un « mauvais » lait d’une seule vache peut faire rater l’ensemble de la fabrication) et de la température extérieure (ni trop chaud, ni trop froid). Autrefois, les reblochons étaient durs par temps de sécheresse (ils séchaient trop vite) et amers en période de grand froid (ils n’arrivaient pas à sécher).
Le moment le plus délicat de la fabrication du reblochon : le décaillage. Le lait a coagulé et forme un caillé qui est découpé en petits grains
La principale raison de ces difficultés est la faible température à laquelle le lait est transformé (33 degrés). Ainsi, dans la plupart des fermes, le lait n’est absolument pas réchauffé, puisque, sortant du pis de la vache à une température de 38 degrés, il est directement travaillé. Cette qualité sanitaire irréprochable s’applique également pour le reblochon fruitier (celui fabriqué en laiterie) dont la zone s’étend sur une grande partie de la Haute-Savoie. C’est la raison principale pour laquelle ce département est, depuis plus de vingt ans, classé comme le premier département français sur la qualité du lait.
Le beaufort, celui que l’on surnomme « le prince des gruyères », est considéré comme un fromage à pâte pressée cuite, car après caillage le lait est chauffé à une température de 54 degrés. Cette hausse de la température, même si l’on est loin de la pasteurisation (hausse de la température à 72 degrés et refroidissement rapide), supprime déjà un grand nombre de germes indésirables.
Le beaufort : un fromage collectif / Le reblochon : un fromage individuel
Outre leur pâte, la principale différence entre les deux fromages est leur poids. Le reblochon ne doit pas dépasser 550 grammes (450 g minimum) tandis qu’une meule de Beaufort affiche entre 40 et 60 kg. Un poids qui nécessite 4 à 5 litres de lait pour le reblochon et entre 400 et 600 pour le Beaufort. Il y a cent ans, une « bonne vache » pouvait produire quatre à cinq litres de lait à chaque traite. Mais les hectolitres de lait nécessaires pour une meule nécessitaient un troupeau avoisinant les cent têtes. C’est la raison principale pour laquelle le Beaufort est indéniablement lié à la pratique de l’alpage, une pratique très différente de celle que l’on peut rencontrer dans les Aravis.
Au Grand-Bornand, l’altitude de la plupart des alpages est comprise entre 1300 et 1700 mètres, celui du col des Annes étant le plus élevé, à 1721 mètres. Dans le Beaufortain, cet étage alpin correspond à la montagnette et dans le Haut-Faucigny aux « remues » : c’est-à-dire des alpages intermédiaires avant de rejoindre les alpages collectifs au-delà de 1800 mètres. Ces alpages collectifs, qui n’existent pas dans les Aravis, permettent d’exploiter les vastes prairies de la pelouse alpine. Les troupeaux sont rassemblés en importantes unités pastorales. La fabrication du lait et l’entretien des troupeaux sont laissés à des vachers et à des fromagers, payés par la collectivité. Dans le Beaufortain, le lait d’une seule traite servait à fabriquer une seule meule. Les meules étaient ensuite affinées et conservées à l’alpage, puis descendues dans la vallée une fois la saison terminée. Les communiers se les partageaient alors (le fruit des alpages). Le reblochon nécessite quant à lui un écoulement plus rapide, car il peut difficilement se conserver plus de deux mois. D’où la nécessité d’une mise en vente plus régulière. Le marché du Grand-Bornand existe officiellement depuis 1795 et permet chaque mercredi l’écoulement des reblochons produits. Aujourd’hui encore, les producteurs apportent leurs jeunes fromages, âgés de sept jours, aux affineurs. Ceux-ci les conserveront au minimum 21 jours.
Pour le beaufort, la production à la ferme est devenue rare (2 à 3 producteurs contre 140 pour le reblochon). Cependant grâce aux coopératives, les plus importantes étant celles de Bourg-Saint-Maurice et de Beaufort, les agriculteurs conservent une maîtrise collective de leur produit. Les coopératives assurent le ramassage du lait, le processus de fabrication, l’affinage (supérieur à 6 mois pour le beaufort d’été) et la commercialisation.
Pour le reblochon fermier, du fait peut-être de son essence individuelle, la partie coopérative et collective est moins présente. Les marchands puis les affineurs traitent directement avec les agriculteurs. Exception à cette règle, la coopérative de Thônes créée tardivement, en 1971. Elle réunissait alors 19 producteurs et 2 salariés. Aujourd’hui elle assure un tiers de l’affinage du reblochon fermier et emploie près de 50 personnes.
Conclusion
Petit, nécessitant beaucoup de manutention (il faut le retourner et le nettoyer deux fois par jour), délicat, ne pouvant pas se conserver au-delà de deux mois, le reblochon présente à première vue beaucoup d’inconvénients. Il correspond cependant à une exploitation familiale, proche de sa zone de commercialisation et illustre parfaitement le fait qu’un fromage, c’est la rencontre d’un produit et d’un terroir.
Le 13 avril dernier (2014), nous avons fêté Les Rameaux, le dimanche avant Pâques.
Pour le petit-déjeuner ou après la messe, un rameau de buis bénit à la main, certains se sont acheminés vers l’unique boulangerie de Thônes, rue des Clefs, où l’on trouve encore des carclins. On les trouve ce weekend-là seulement, seule trace subsistante de leur signification religieuse.
Les carclins des Rameaux
Les carclins sont affaire de spécialistes, ils ne sont pas une pâtisserie domestique, ce qui souligne leur caractère de nourriture jadis votive, comme le sont les couronnes ou galettes des Rois, les crosets de la Saint-Blaise, etc. De nos jours, il s’agit d’un anneau de pâte briochée, peu sucrée, safranée. Autrefois, certains ajoutaient de l’anis dans la pâte qu’on bérolle en forme d’un long cigare dont les extrémités sont nouées avant la cuisson.
Cette tradition est apparentée au craquelin ou cartelin breton que l’on retrouve jusqu’en Poitou-Charente sous le nom de carcalin :
Dans le glossaire du patois de La Rochelle (Henri Burgaud des Marets, 1861) : Carquelin, pâtisserie en forme de bracelet.
Le caractère savoyard du carclin trouve des références dans :
le dictionnaire savoyard (Constantin / Désormaux, 1902)
à « Carclin » : sorte de pâtisserie. “Fais saucette avec ce carclin dans ton chocolat.”
à « Ranpâr » (Rempart) : Le dimanche des Rameaux, ramô, désigné aussi à Thônes et Annecy, sous le nom de dimanche des ranpâr ou ranpô, nom patois du buis.
le Guide de la Haute-Savoie (Marc Le Roux, 1902, p. 139) J. Serand rapporte ainsi que « Le dimanche des Rameaux, les enfants portent à l’église une branche de rameau plantée dans une pomme ou entouré d’un gâteau appelé carquelin (carclin), et le soir les jeunes gens du village, accompagnés d’un joueur de violon, vont de maison en maison en chantant des complaintes jusqu’à ce qu’ils obtiennent des œufs, qu’ils mangent ensemble en un diner, le lundi de Pâques. »
Si vous ne les avez goûtés cette année, il vous faudra attendre 2015 !
Au Grand-Bornand deux téléskis sont installés aux Dodes en 1944 près du village, 500m à gauche de l’emplacement actuel de la patinoire. Bien qu’à proximité du village et sur un versant nord, l’enneigement reste tributaire de l’altitude (900m), les pistes sont raides et verglacées, et les possibilités de développement sur les pentes boisées, abruptes, et instables de l’envers du Danay sont très limitées. C’est ainsi que les pionniers de la station se sont tournés vers le hameau du Chinaillon, plus propice au développement commercial de la station, avec des possibilités de construction de logements et d’extensions du domaine qui semblaient alors infinies.
Saint-Jean-de-Sixt
A Saint-Jean-de-Sixt, dernière des « petites stations », la pérennité de l’activité de ski a tenu, comme au Grand-Bornand, à son déplacement !
Aux environs de l’hiver 1958/1959, Joseph Pergod achète à Guy Salino, le propriétaire du bar restaurant “Le Fou Blanc” au Chinaillon, son fil-neige. Autrefois au pied du téléski des Outalays au Chinaillon, le fil-neige est ainsi déplacé sous le Mont Durand avec l’aide de François Lathuille, qui également skieur, assure quelques samedi et dimanche d’ouverture dans la saison. L’installation faisait une petite centaine de mètres et mais ne permettait pas de gravir la plus grande pente.
La gare de départ du téléski du Mont-Durand à Saint-Jean-de-Sixt. (Photo Collection Gérard Bastard-Rosset)
Le fil-neige est remplacé en 1961/1962 par le téléski du Mont-Durand, téléski d’occasion acquis par l’entremise d’Aimé Dupont, alors Maire de la commune et Conseiller Général. A cette occasion est créée la société des téléskis. Il fonctionnera pendant 10 ans, avant d’être déplacé à Forgeassoud-Dessus en 1971.
Son emplacement initial, sous le Mont-Durand, à droite de l’oratoire que l’on trouve à la sortie du village direction La Clusaz, garantissait un meilleur enneigement, mais ne permettait pas un développement commercial, principalement en raison de la route, trop proche, de l’absence de parking, et d’une assez grande difficulté. Le nouvel emplacement du Forgeassoud, à défaut de permettre un développement sur les pentes du Danay, a apporté stationnement et pistes pour débutants. Tout juste après son ouverture en décembre 1969, le Village Familial Vacances (VFV) de Saint-Jean-de-Sixt s’était équipé lui aussi d’un fil-neige privé. En 1971 à l’occasion du déplacement du téléski du Mont Durand, le VVF devient actionnaire de la société des téléskis et apporte en capital son fil-neige. Depuis plus de 40 ans et encore aujourd’hui en 2014, on peut s’initier au ski à Saint-Jean-de-Sixt.
La Clusaz
A La Clusaz, où les premières pistes du télétraineau sont toujours empruntées par les skieurs, le premier emplacement était le bon ! Bien sûr la station s’est ensuite agrandie, et seuls n’ont pas pu rejoindre le grand domaine skiable :
le téléski et le fil-neige du lac des Confins, petites installations à l’écart déployées avant 1963 par Bonaventure Goy. On peut les voir sur quelques unes des premières cartes postales en couleurs de La Clusaz.
le téléski du col des Aravis, un projet porté par Paul Machenaud
Manigod
L’emplacement définitif de la station de la Croix-Fry/Merdassier connaîtra un petit ajustement : un fil-neige est installé en 1961 par Pierre Veyrat-Durebex, près de l’Hôtel de la Croix-Fry, remplacé en 1964 par un tire-fesse au “Plan du Mont”, qui sera transféré en 1967 plus près du Col vers l’Hôtel des Sapins. Cet élan au Col de la Croix-Fry sera confirmé dès 1971 avec la création de la station de Merdassier au col éponyme, toutefois il faudra attendre encore quelques années pour que la liaison ski au pied soit établie entre les deux versants.
Erwan Pergod et Danielle Perrillat-Mercerot
Sources
Annuaire téléphonique de la Haute-Savoie, 1952
Registre des délibérations du conseil municipal de Thônes, 1953
Mémoire orale : Félicien Missillier, Madame François Ballanfat, Hubert Puthod, Maurice Losserand, Maurice Passet, M. Thiaffey, M. Vulliet, M. Mauris, G. Bétend, Mme Mattelon, N. Tissot, Gérard Bastard-Rosset, Pierre Pochat-Cottilloux, Danielle Sylvestre, Sylvain Collomby, Thomas Mermillod-Blondin, François Lathuille
Sources économiques : CCI de Haute Savoie
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La revue n°7 des Amis du Val de Thônes, 1982 : 80 ans de sports d’hiver (épuisé)
Si le tourisme dans la Vallée de Thônes a d’abord été un tourisme estival à la fin du XIXe siècle, époque où la montagne et le grand air commencent à succéder à la mode du thermalisme, dans les années 2000 le nombre de nuitées hivernales dépasse le nombre de nuitées estivales dans les stations de montagne.
Saison été 2010
Saison hiver 2010/2011
Nuitées dans les massifs de Haute-Savoie
(Source CCI 74)
13,4 millions
16,8 millions
Depuis les fameux hivers sans neige, 1963-1964, 1988-1989 et 2006-2007, la fin de l’automne sonne le début de l’inquiétude dans les Alpes où l’on se demande, à juste titre, si l’hiver sera enneigé ou non, s’il sera économiquement viable ou non. Avec désormais 100 ans de recul sur les sports d’hiver, et 4 générations (80 ans) de remontées mécaniques depuis le télétraîneau installé en 1934 à La Clusaz, il nous paraît intéressant de faire une rétrospective sur les petites stations de ski de la vallée qui n’ont pas survécu et sur les causes de leur disparition, momentanée peut-être. Nous reviendrons dans un prochain article sur la manière dont les plus grandes stations ont dû s’adapter pour perdurer.
La mécanisation du ski en Val de Thônes prend son essor dans les années 50
Après les débuts de La Clusaz (télétraineau en 1934), puis du Grand-Bornand (fil-neige dès 1944), les remontées mécaniques se développent ensuite dans le reste de la vallée.
Thônes
Ainsi, en octobre 1953, la mairie de Thônes fait l’acquisition d’un fil-neige installé sur la pente du Château, en bas à droite lorsque l’on regarde le Château.
Inauguration du fil-neige par le conseiller général Edouard Pochat-Cottilloux. (Photo Le Progrès)
Cette installation fût à l’initiative de Bernard de Colmont, inventeur imaginatif et audacieux entrepreneur qui connaîtra un succès beaucoup plus grand que celui du fil-neige de Thônes avec le Club 55 à Saint-Tropez, qui a fait la fortune de sa famille. Ce fil-neige, testé à l’hiver 52-53, fonctionna jusqu’à, semble-t-il, l’hiver 1958/1959 (témoignages de différents Thônains ayant appris à skier ici ! M. Vulliet, M. Mauris, G. Bétend).
Inauguré par le conseiller général Edouard Pochat-Cottilloux durant l’hiver 1953 et financé par la commune, il était gratuit pour les enfants lorsqu’ils venaient par groupe ou durant le temps scolaire. Peut-être avez-vous le souvenir de Jo Quétand et de Marcel Barrachin qui participaient à la formation des jeunes et au fonctionnement de la remontée ?
Il était amovible et les délibérations du conseil municipal relatives au fil-neige indiquent que le budget de fonctionnement est accordé à la condition qu’il soit mis à la disposition des écoles de hameaux.
Malgré la disparition du fil-neige, la piste du château n’en resta pas moins une, telle qu’elle était avant. Au début des années 1960 lorsque la piste était enneigée, les Thônains pouvaient admirer Maurice Passet, sautant tous les jours à 13h « la bosse du château », et les enfants, de nos jours, sont toujours ravis de faire des descentes de luge. Malheureusement pas ce mois de janvier 2014, la piste naturelle étant fort peu enneigée !
En 1969 c’est un téléski qui est installé au “champ des bosses” jusqu’en 1971. Les frais de fonctionnement, trop élevés au regard de la faible période d’activité auront raison de lui très rapidement et il n’est pas resté dans la mémoire des Thônains. Le téléski, démonté, poursuivra sa vie à Alex.
Aujourd’hui on skie toujours à Thônes, principalement à Beauregard, avec du ski de fond, du ski de randonnée, mais également du ski de piste : en effet la remontée mécanique l’Etoile des Neiges, bien qu’elle fasse partie du domaine skiable de La Clusaz, est située en partie sur la commune de Thônes.
Alex
Ruines du Téléski d’Alex, 26 novembre 2013 Photo Erwan Pergod
Sitôt démonté, en 1964, le téléski de Thônes est alors réinstallé à Alex, au lieu-dit Villards-Dessus.
Le téléski a été exploité jusqu’en 1976 par le club sportif local qui avait également construit un petit local pour accueillir les skieurs. (Souvenirs de Mme Mattelon).
Dingy-Saint-Clair
De 1974 à 1980 sous l’impulsion du Foyer du Parmelan, un fil-neige fut installé à La Blonnière au-delà des dernières maisons du hameau, près du Mélèze. Il fit le bonheur des enfants et des adultes débutants, grâce aux personnes bénévoles qui se relayaient pour damer la piste. Malheureusement, l’irrégularité de l’enneigement eut, là aussi, raison de cette installation.
Les Villards-sur-Thônes
Situé un peu plus haut, le téléski des Villards-sur-Thônes est installé en 1964 et remontera la pente (raide !) de Plaine-Frasse jusqu’au début des années 2000. Un fil-neige sur le plat permettait aux débutants un apprentissage plus facile. Géré par une association de particuliers, l’installation était digne d’une véritable station de ski : un canon à neige artisanal et 2 dameuses en 30 ans !
Il est démonté le 9 novembre 2005 et poursuivra sa vie en Roumanie. Géré par une association de particuliers, il a permis un temps d’assurer la formation des jeunes Villardins dont certains ont brigué des podiums tant dans les épreuves scolaires, que celles dédiées aux adultes. Citons en particulier Thomas Mermillod-Blondin, membre de la sélection française de ski alpin pour les Jeux olympiques de Sotchi en 2014.
Entremont
A Entremont, le téléski du Platon implanté dès 1964 (convention verbale pour les droits de passage), fonctionna jusqu’en 1987 malgré des problèmes d’enneigement et de servitudes (Source : Entre Monts et Vaux, 1987, n°5).
Également nommé téléski de l’Epinette. Il fut exploité par Humbert et Joseph Goy, propriétaires du téléski avant la commune, et avec François Ballanfat, de La Ville.
Le téléski s’arrêta faute d’un enneigement régulier. Jouant de malchance, dès l’année d’inauguration, les « Ponts et Chaussées »comme on disait alors, avaient dû réceptionner l’ouvrage en l’absence de neige !
De nombreux enfants, ceux d’Entremont et ceux des nombreuses classes de neige en séjour dans le village ont pu s’initier au ski avec ces installations.
Le Petit-Bornand
La gare de départ du téléski de Paradis en 2007 (Photo Frédéric Patois)
Près du chef-lieu du Petit-Bornand, au Fetalay, fut installé un fil-neige par l’ancien maire Gilbert Gaillard pour la colonie “ancien hôtel Le Bellevue”, avant 1965. Lorsqu’il n’y avait pas de neige le fil-neige était transporté ailleurs. Ainsi il fût emmené une année au sommet du Maroly, et parait-il, une année aux Saisies !
Plus tard, un téléski, installé à Paradis, démonté vers 1998 mais arrêté bien avant, “a tourné une dizaine d’années”.
Téléskis de Serraval au Col du Marais
Sous l’impulsion de la commune un premier téléski fut construit.
C’est la société Montagner, d’Allonzier-la-Caille qui érigea l’un de ses premiers téléskis débrayables à Serraval en 1966 (Source Montagne et Aménagement). L’avalanche du 30 janvier 1978 traversa le col et par mesure de sécurité les installations furent déplacées de l’autre côté de la route.
Puis fut racheté le premier téléski de la Floria, du Grand-Bornand (à l’exception de la gare). (Source : ski-aravis.com)
La famille Tissot, de l’Arclosan, continua l’exploitation de 1981 jusqu’au printemps 1996. « Souffrant d’un manque de neige à répétition, tous les téléskis furent démantelés » (N. Tissot).
Le Bouchet-Mont-Charvin
Au Bouchet-Mont-Charvin, il y eut un projet très avancé dans le secteur de la Savattaz. En 1969 des pylônes ont été construits mais suite à des différends entre les propriétaires et associés, le projet s’est arrêté là ! (Source : M. Thiaffey)
Toutes les tentatives d’exploitation de la neige, évoquées ci-dessus, sont nées de la volonté de personnes ou associations pionnières de la localité même. Elles ont été très actives durant leur période d’exploitation. Mais le plus souvent, les enneigements très aléatoires et les mises aux normes du matériel ont eu raison de leur pérennisation. Nous ne pouvons que le regretter.
Nous invitons nos lecteurs à partager leurs souvenirs ! Vos renseignements complémentaires sont les bienvenus et vos documents pourront être publiés, après votre accord.
Erwan Pergod et Danielle Perrillat-Mercerot
Remerciements
Merci à toutes celles et ceux qui ont participé d’une manière ou d’une autre à la rédaction de cet article.
Merci au Dauphiné Libéré d’avoir relayé nos recherches auprès de ses lecteurs. Vous pouvez également consulter une carte interactive sur le site internet du Dauphiné Libéré.
Sources
Annuaire téléphonique de la Haute-Savoie, 1952
Registre des délibérations du conseil municipal de Thônes, 1953
Mémoire orale : Félicien Missillier, Madame François Ballanfat, Hubert Puthod, Maurice Losserand, Maurice Passet, M. Thiaffey, M. Vulliet, M. Mauris, G. Bétend, Mme Mattelon, N. Tissot, Gérard Bastard-Rosset, Pierre Pochat-Cottilloux, Danielle Sylvestre, Sylvain Collomby, Thomas Mermillod-Blondin, François Lathuille
Sources économiques : CCI de Haute Savoie
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La revue n°7 des Amis du Val de Thônes, 1982 : 80 ans de sports d’hiver (épuisé)
Désormais, saint Pierre Favre, le petit pâtre des Aravis devenu l’ambassadeur du pape, a été reconnu à l’égal de ses compagnons Ignace de Loyola et François Xavier, les trois co-fondateurs de la Compagnie de Jésus, les jésuites. Le pape François qui l’a pris pour modèle, l’a canonisé le 17 décembre 2013, jour de son propre anniversaire. En présence de 350 jésuites, il a concélébré une somptueuse messe d’actions de grâces à Rome, en l’église du Gesù, le 3 janvier dernier, jour de la célébration liturgique du Saint Nom de Jésus.
Dans le n° 30 de notre collection : « Bienheureux PIERRE FAVRE, ITINERAIRES dans l’Europe de la Renaissance. Savoie 1506 – Rome 1546″ nous évoquions, outre ses voyages, pour l’essentiel à pied et en zigzag et dans une Europe déchirée, notre espoir de le voir à son tour, canonisé. C’est aujourd’hui chose faite, nous remercions le pape François d’avoir comblé nos vœux.
Monique Fillion
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Consultez sur notre site les panneaux de l’exposition que nous avons réalisée pour notre paroisse, qui porte le nom de saint Pierre Favre. L’exposition se déploiera au fil des mois dans toutes les églises de nos communautés paroissiales.
Quand change-t-on de siècle ? Le calendrier ne laisse pas de place au doute, nous sommes rentrés dans le XXIe siècle, le 1er janvier 2001 ; dans le XXe siècle, le 1er janvier 1901. Mais la réalité historique est plus complexe et il est frappant de constater que, depuis le XVIIIe siècle, les années en 13, 14 et 15 ont souvent marqué des césures importantes.
1914 : « le suicide de l’Europe »
Pour le XXe siècle, cela est une évidence. La première guerre mondiale éclate le 1er août 1914 et porte en elle toute la genèse du XXe siècle. C’est tout d’abord la fin d’une période avec l’effondrement de l’Europe en tant que puissance dominante. La Grande Guerre enfante également de deux tragédies qui vont marquer l’ensemble du XXe siècle : le communisme russe (1917) et le nazisme. C’est de la défaite en 1918, du traité de Versailles de 1919, que les Nazis vont se nourrir dès leur création en 1921. Il est d’ailleurs frappant de constater que leur chef Adolf Hitler a été sauvé par la 1ère guerre mondiale. En 1914, alors âgé de 25 ans, c’est un homme à la dérive : sans profession, sans famille, sans véritable perspective d’avenir. C’est dans l’armée et la guerre qu’il a retrouvé un cadre, un but, une carrière.
Monument aux morts de Thônes (Photo J.-P. Chesney)
Pour nos vallées alpines, la 1ère guerre mondiale a-t-elle marqué un tournant important ? La réponse là-aussi semble évidente. 563 morts, jeunes, hommes, pour la seule vallée de Thônes : le bilan parle de lui-même. C’est aussi l’éloignement des soldats de leur foyer durant près de 5 années (d’août 1914 à octobre 1919 pour les derniers rentrés). On lie aussi cette période à une première émancipation féminine. C’est certainement vrai dans les grands centres urbains, c’est beaucoup plus discutable dans nos pays ruraux. Les femmes travaillaient énormément avant la guerre, autant après la guerre et encore davantage durant le conflit. Quant à leur pouvoir décisionnel, là aussi rien n’est certain. Dans les sociétés patriarcales, si le mari était absent, le beau-père détenait le véritable statut de chef de famille, parfois la belle-mère en cas de veuvage. Les changements ont pu être plus marqués chez les enfants avec une autorité paternelle et masculine absente. Ainsi à Saint-Martin-sur-Arve, commune aujourd’hui rattachée à Sallanches, un incident avait défrayé la chronique. Les grands garçons de l’école primaire, profitant disait-on de l’absence de leur père au foyer et du remplacement de leur instituteur par une jeune femme à l’école, avaient, durant la récréation, uriné dans les encriers. Un fait divers qui avait alors alarmé une grande partie de la population dénonçant « l’esprit déviant de la jeunesse ».
1814-1815 : L’agonie de l’empire napoléonien
Si 1914 marque le début d’une guerre, les années 1814 et 1815 marquent quant à elles, le retour à la paix en Europe. Après deux décennies de conflits, liés à la période révolutionnaire puis aux conquêtes napoléoniennes, le « Vieux Continent » retrouve une certaine stabilité.
Les puissances européennes, réunies au Congrès de Vienne (Septembre 1814-juin 1815) dessinent la nouvelle carte de l’Europe. Une Europe qui nie les aspérités nationales (Polonais, Belges, Grecs, Allemands…), sentiment trop lié à la Révolution Française, qui restaure de nombreuses monarchies (y compris en France, mais aussi en Savoie) et dont les grands contours seront respectés jusqu’en 1919. Pour la Savoie, annexée par la France depuis 1792, l’année 1814 a été une année de guerre (la première depuis 1793). Dès le 2 janvier, les hussards autrichiens arrivent à Annecy. Ils sont au Grand-Bornand le 11 mars. Le premier traité de Paris, celui de mai 1814, alors que Napoléon est en exil à l’ile d’Elbe, scinde la Savoie. La plus grande partie, à l’Ouest, est donnée au royaume de Sardaigne, les cantons de Frangy, de Saint-Julien, de La Roche, l’arrondissement de Chambéry (sauf les cantons de l’Hôpital-Conflans, de Saint-Pierre-D’Albigny, La Rochette et de Montmélian) et l’arrondissement d’Annecy à l’exception d’une partie du canton de Faverges restent à la France. Après l’épisode des Cent-Jours et la défaite définitive de Napoléon à Waterloo, le second traité de Paris (novembre 1815) redonne à la Savoie son unité. La Savoie est rendue au Piémont Sardaigne. Elle connait donc une restauration de l’ordre ancien, son souverain Victor Emmanuel Ier rétablit toutes les mesures en vigueur avant 1792 dans ce régime que l’on appelle le Buon Governo (bon gouvernement).
1715 : Le roi soleil s’éclipse
Le 1er septembre 1715, au château de Versailles, Louis XIV meurt après 72 années de règne. Avec lui, s’éteint une grande partie du XVIIe siècle, celui que l’on a surnommé en France « le grand siècle » : l’apogée de l’absolutisme royal et du rayonnement culturel français.
Première édition des traités d’Utrecht, imprimée en anglais, espagnol et latin. (By RedCoat10 via Wikimedia Commons)
Pour la Savoie, la rupture est intervenue deux ans plus tôt en 1713, avec le traité d’Utrecht qui met fin à la guerre de Succession d’Espagne. Une guerre qui a secoué l’Europe depuis 1701 mais dans laquelle la Savoie n’est intervenue qu’en 1703. Alliée à la France en 1701, la maison de Savoie change de camp en 1703, entraînant une longue occupation française de son territoire. Les ravages de la guerre et de l’occupation sont aggravés par un climat rigoureux (l’hiver 1709 a été surnommé le grand hiver) déclenchant en Savoie une famine importante. Pour la Maison de Savoie, le traité d’Utrecht a eu pour conséquence indirecte l’élévation au niveau de royaume. En effet, longtemps espagnole, la Sardaigne passe lors du traité d’Utrecht dans les possessions des Habsbourg de Vienne, qui l’échangent en 1718 contre la Sicile avec le duc de Savoie. Les ducs de Savoie portent le titre de « roi de Sardaigne » depuis le 8 août 1720 et ce jusqu’à la proclamation du royaume d’Italie le 17 mars 1861.
Pour les autres siècles, les césures sont moins importantes. On peut cependant mentionner 1515, la célèbre bataille de Marignan ou 1416 et l’érection du comté de Savoie en duché.
Et pour 2014 ?
La question est posée. Les deux prochaines années 2014 et 2015 marqueront-elles une rupture importante dans l’histoire du XXIe siècle ? A l’échelle du monde, de l’Europe ou de la Savoie, on ne peut rien affirmer pour l’instant. Mais pour la ville de Thônes, cela est une certitude. Chef-lieu de canton depuis le 22 janvier 1793, Thônes devrait perdre l’année prochaine cette distinction au profit de la ville de Faverges. Et après 31 années passées à la fonction de maire, la plus longue mandature de la commune, Jean-Bernard Challamel a décidé de ne pas briguer un nouveau mandat lors des prochaines élections municipales de mars 2014. Un véritable changement d’époque.
Jean-Philippe Chesney
Sources
Almanach du Val de Thônes, N° 24, Amis du Val de Thônes, p. 54-57
Le Grand-Bornand au fil du temps, P. Baugey, F. Baugey, G. Bastard-Rosset, Association « Histoire du Grand-Bornand, 2010, p.161
Voici peu, de petites sorcières et autres fantômes sont venus quémander bonbons et friandises à la nuit tombée et nous ont gratifiés d’un « Que la chance soit avec vous », lorsque notre générosité les a satisfaits. Ouf, nous avons échappé au mauvais sort jeté ! Réminiscence de traditions celtes, cet Halloween médiatique et commercial nous est venu d’Amérique, tout comme le Père Noël de Coca-Cola après la seconde Guerre mondiale. Remontons le temps. Les Celtes faisaient commencer leur année à Samain, le premier novembre, notre Toussaint. Ce que rappellent Halloween, All Hallows Eve qui signifie the eve of All Saints’ Day en anglais contemporain soit « la veille de la Toussaint », et le « Jour des Morts » ou les « Défunts » dans nos calendriers d’aujourd’hui. Au solstice d’hiver, les Celtes célébraient Aguianeu, quelque peu abusivement traduit par : « An gui l’an neuf ». Ce jour-là, les druides coupaient le gui dans les chênes rouvres avec une serpe d’or. Nous savons tous que Noël est venu se substituer à toutes ces antiques croyances païennes et que seul le sapin de Noël demeure en vestige d’une tradition germano-scandinave lentement christianisée tout au long du Moyen-Âge et généralisée à la fin du XVIIIe siècle.
Quid de Chalende ? Ce mot qui signifie Noël, vient du latin calendae qui indiquait le premier jour du mois dans le calendrier romain. C’était le jour où se réglaient les dettes, les affaires en cours. Ainsi vouloir les régler aux calendes grecques signifiait ne jamais le faire, puisque les calendes Grecques n’ont pas existé ! Chalende fut donné au premier jour de l’année qui varia beaucoup au fil du temps. L’année n’a pas toujours commencé le 1er janvier. Selon les régions, on commençait plutôt à Noël ou plutôt à Pâques. Dans les États de Savoie même, si le sud de la Province commençait plutôt à Noël, comme la région de Lyon, le Chablais, le Pays de Vaud, le Val d’Aoste, le Piémont préféraient Pâques.
Chalende, Chalande, est aussi un nom de famille. Le Dictionnaire des noms de famille de Savoie, de Robert Gabion, précise que cela signifie Noël, en Savoie du nord et Suisse Romande. Si le nom de famille se situe bien dans cette région, le nom de la fête de Noël en dérivé de Chalende est plus largement répandu, jusqu’à la limite sud de l’aire du francoprovençal, le pays de La Mure, où il côtoie Noyé pour Noël qui lui vient du latin natalis = natal, fête de la naissance du Christ, le 25 décembre.
Je dois à Lina Coudray, professeur émérite et membre des Amis du Val de Thônes, les différentes prononciations de Chalende, écrites ici avec la graphie de Conflans qui souligne la syllabe tonique. Mais seule l’oralité donnera le son exact !
Ainsi, suivant le lieu, la règle donne :
Pour le ch français : s – sh – ts – st
an, en, se prononcent parfois comme en français mais le plus souvent en ‘en – in – ïn – ein
Petit tour de Savoie :
S – Salendè : Tignes
Sh – prononcer comme th en anglais dans thing, langue contre les incisives :
Shalendè Thônes, Annecy, Leschaux, La Balme de Sillingy …
Shalandè : Entremont en Chartreuse, les pays de La Mure (où shalanda, shalandè voisinent avec noyé)
Shalïndè : Macôt,
Ts – Tsalendè : Moûtiers, les Allues (Tarentaise)
Tsalïndè : Montvalesan, Peisey
Tsaleindè : Evolène
Tsalendrè : La Mure
St – Stalendè : Albertville, Marthod, Val d’Arly
Noël, quelle que soit la façon de le dire, c’est aussi le temps des agapes. Jadis on cuisait du pain plus blanc qu’à l’ordinaire, les épognes doraient après la grande fournée et on faisait les douceurs traditionnelles en blanc et or : gâteau de Savoie et œufs à la neige. Aujourd’hui encore, manquer à la tradition des rissoles serait faillir ! Oublier le cardon aussi ! Et la bûche ! Et les oranges et le chocolat ! Souvent plusieurs desserts et les bonnes bouteilles gardées pour la circonstance, jusqu’à l’Epiphanie qui clôturera ce temps de bombance avec les galettes des Rois, à la frangipane, comme à Paris, ou avec une couronne aux fruits confits, comme en Provence. La gastronomie locale chante comme notre patois, en francoprovençal.
Le 11 novembre 1918 marque la fin d’une tragédie. Rares sont aujourd’hui les personnes à se rappeler cet évènement majeur.
Henriette Binvignat, la doyenne des Clefs née le 6 décembre 1911, est l’une d’elles. Lors de son centenaire en 2011, elle évoquait encore cette journée qui l’a tant marquée :
J’avais presque 7 ans et j’habitais avec ma mère au Cropt, dans la ferme à côté de la chapelle (aujourd’hui le restaurant « Le chalet d’en ô »). En début d’après-midi, les gendarmes de Thônes sont passés en vélo, ils ont crié à ma mère que c’était la fin de la guerre, qu’il fallait faire sonner les cloches de la chapelle. Ils sont allés jusqu’au Bouchet annoncer la bonne nouvelle. Et lorsqu’ils sont repassés au Cropt, la nuit était presque tombée, ils ont été surpris que les cloches ne sonnent plus. Ils nous ont dit qu’il fallait encore les faire sonner. Mon grand père faisait du bois au-dessus du village avec de nombreux voisins. Lorsqu’ils ont entendu les cloches, ils ont tout de suite compris et ont posé les outils. Certains, comme mon futur mari qui avait alors 17 ans sont descendus à Thônes. Il parait qu’il y avait une de ces foires…
L’armistice n’est pas la fin de la guerre
Le 230° RI d’Annecy, constitué en majorité de Haut-Savoyards, a perdu 1.392 hommes durant la guerre
L’armistice, s’il signifie la fin des combats, ne signifie pas la fin de la guerre. Et les soldats ne sont pas rentrés. L’un de ces poilus est en permission chez lui, au Reposoir, le 11 novembre. A son compagnon de tranchée habitant Sallanches, il écrit qu’il est reparti le 17 novembre mais que cette fois-ci, cela ne lui a rien fait parce qu’il était sûr de rentrer. Dans sa lettre suivante, pour Noël 1918, il raconte qu’en un mois, il a marché plus de 200 km. Il faut bien occuper les hommes alors que les combats sont terminés.
Épisode encore peu connu de la guerre de 1914-1918, les hommes après le 11 novembre, sont retournés en caserne, tout en respectant une discipline militaire stricte. L’un de ces soldats, habitant Pontarlier, croise l’un de ses officiers à la fin du mois de novembre et lui dit « Mon capitaine, si nous avons gagné la guerre, ce n’est pas grâce à vous ». La logique militaire est implacable : conseil de guerre, condamnation à mort. Dans sa lettre, retrouvée à Pontarlier en 1998, le soldat écrivait à ses camarades et reconnaissait « que cette fois-ci, je suis vraiment dans de sales draps ». Mais on ne sait pas si la sentence a été exécutée.
Même les prisonniers, très nombreux durant cette guerre, une fois libérés n’ont pas été démobilisés. Rentrés pour la plupart en décembre 1918, après pour certains 4 ans de détention, ils ont pu profiter d’un mois de permission dans leur famille. Jean Perrillat-Boiteux du Grand-Bornand (captif du 18 juillet 1915 au 20 décembre 1918) a été nommé à partir du mois de mars 1919, garde-frontière à Annemasse. D’autres ont tout simplement regagné leur caserne. Le 230e RI d’Annecy, a effectué une longue série de marche durant trois semaines (25 novembre-14 décembre). Il a ensuite gagné l’Alsace nouvellement libérée et surveillé la frontière suisse.
Les derniers Poilus sont rentrés en octobre 1919
Il existe plusieurs raisons sur le fait que les soldats sont restés mobilisés. La première est qu’il était difficile de rendre immédiatement à la vie civile 9 millions de soldats. Si cela était encore possible dans le monde rural (près de la moitié des Poilus sont des cultivateurs), c’était beaucoup plus difficile pour l’industrie d’intégrer tous ces travailleurs. De plus, les politiciens français ont vu avec inquiétude les mouvements sociaux et révolutionnaires dans les pays vaincus (Hongrie, Bavière, Berlin…) animés en grande partie par les soldats démobilisés.
Mais la raison principale est le fait que la France considérait que la paix avec l’Allemagne n’était pas signée. En guise de pression, elle a conservé ses troupes mobilisées durant les négociations qui ont abouti au traité de Versailles en juin 1919. La plupart des soldats ont été rendus à la vie civile après cette date. La démobilisation était progressive et s’effectuait en fonction de la classe. Le lieutenant colonel Lourdel qui dirigeait depuis 1917 le 230e Régiment d’Infanterie d’Annecy, dans l’historique du bataillon, exprime « un regret souvent formulé pendant les derniers mois du régiment. Malgré la joie infinie du retour au foyer, il y eut quelque chose de fastidieux et d’un peu irritant dans ces démobilisations partielles où, par petits paquets anonymes, les soldats partaient perdus au milieu du train-train de chaque jour »[1].
Les derniers ont regagné leur foyer en septembre et octobre 1919, soit plus de dix mois après la fin des combats et plus de cinq ans après le début du conflit. Les derniers démobilisés étaient également les plus jeunes (classes de 1910 à 1917), et pour le vingtième anniversaire (septembre 1939) de leur retour à la vie civile, ils ont connu une nouvelle mobilisation. Rappelés sous les drapeaux pour une nouvelle guerre contre l’Allemagne, avec certainement pour beaucoup d’entre eux, le sentiment que celle que l’on avait nommée «la der des der» avec le sacrifice d’une partie de leur jeunesse et la mort de tant de leurs camarades, n’avait finalement servi à rien.
Un parcours particulier : Edouard Pochat-Cottilloux
Edouard Pochat-Cottilloux, né le 12 décembre 1896, est l’un des fondateurs de la Résistance dans la Vallée de Thônes durant la seconde guerre mondiale[2]. Il s’est vu attribuer la Médaille de la Résistance en 1946 puis, en 1949, la Croix de guerre 39-45 avec étoile de bronze. Sa citation à l’ordre du régiment le 1er octobre 1949 précise « par son activité, son influence morale et son patriotisme a su conserver, toute sa valeur à l’esprit de résistance de cette vallée. A donné à la Résistance avec son temps toutes les vertus solides des populations savoyardes. Patriote ardent restera comme un modèle de chef résistant ».
Comme tous les hommes de sa génération, Edouard Pochat est un ancien de la guerre de 14. Il est incorporé au 14e Bataillon de Chasseurs à l’âge de 18 ans, le 18 avril 1915. Après 6 mois de formation, il gagne le front le 20 octobre 1915. Il est blessé le 24 août 1917 en Alsace par « graves blessures à la cuisse droite par éclats d’obus et de torpilles à gauche de l’Hartmann, ravin de Lyberbock »[3]. En septembre 1918, il se porte volontaire pour l’expédition de Mourmansk, au nord de la Russie où les Alliés combattent les forces bolcheviques.
Septembre 1918 – Le corps expéditionnaire franco-britannique à son départ pour Mourmansk. Edouard Pochat-Cottilloux est debout, le premier à gauche
Le 5 mars 1919, il est cité à l’ordre du régiment pour avoir « pris part à l’opération sur Seghedja (Russie du Nord). Après avoir énergiquement supporté une marche de plus de 150 km par plus de 30 degrés de froid, se sont distingués par leur brillante conduite le jour de l’attaque le lendemain ont contribué dans une large part à repousser une forte contre attaque de l’ennemi après un combat de 12 heures. Malgré la fatigue et le froid ont occupé la position pendant huit jours jusqu’à l’ordre de relève ». Il reçoit pour cet acte de bravoure la croix de guerre, étoile de bronze. Sa campagne de Russie se termine le 16 juin 1919 et il peut regagner le Grand-Bornand après sa démobilisation, survenue le 8 octobre 1919.
Jean-Philippe Chesney
Sources et notes
[1] Lieutenant Colonel LOURDEL, Grande Guerre 1914-1918 Historique du 230e R.I, Annecy, p. 34.
[2] La vallée de Thônes et Glières, N° 9-10, Amis du Val de Thônes, p. 33-34.
[3] Archives départementales de Haute-Savoie, 1R 826, registre militaire, classe 1916.